C’est les yeux ouverts que je me colle à lui. Les yeux ouverts que nos langues se lèchent. Nos lèvres portent leur sourire, et nos langues portent leurs baisers, et c’est comme s’offrir et se refuser à la fois.
C’est une distance sans distance. C’est les yeux ouverts que je ne quitte pas tes yeux, que je caresse fragilement tes tempes.


Et c’est à cet instant que ta gorge se libère, que tes yeux se libèrent. J’entends se déverser, du plus profond de toi, une force abdiquée. Je l’entends au même instant précis où tes yeux éjaculent ce qui pourrait ressembler à ton âme. C’est à tes yeux qu’elle se libère, à mon regard qui s’en abreuve. Ton âme liquide que je bois d’un trait, et pourtant, tu es encore en moi. Je t’accompagne encore du même mouvement avec mes mains. Je frôle encore ta langue de la mienne. Je m’y écrase encore du plus fort que cela nous soit possible.


J’aime tes mains sur mes hanches, qui m’amènent sans répit à toi.
Mais rien en moi ne s’abandonne.


Je viens de boire ta jouissance, et voilà que tout à coup c’est une autre que je bois, c’est à nouveau ton âme que j’aperçois, fugitive à tes yeux. C’est à nouveau ta gorge qui se libère d’elle, aussi, et me couvre le regard, et le corps intérieur.


Ton liquide d’âme passe en un instant de ton regard au mien, de ton corps intérieur au mien, et je te bois une seconde fois, et je souris, et je t’oblige encore à ne pas déserter mon sexe. Je ne t’ai encore rien donné. Je t’oblige à demeurer mon prisonnier en même temps que je m’oblige, aussi, à demeurer ta prisonnière. Celle que tu pourrais, une troisième fois, utiliser pour ton plaisir.


Nous sommes comme deux miroirs face à face qui se reflètent la même chose, et créent l’illusion qu’un vertige infini les unit. Je reflète la soumission que tu reflètes. Je reflète la maîtrise que tu reflètes. Nous sommes deux maîtres soumis l’un à l’autre, et pourtant, c’est toi qui m’as abdiqué ton royaume intérieur. C’est moi qui t’ai abdiqué le plaisir que je n’ai pas eu. Moi qui n’ai accompli que ton plaisir à toi. Moi qui ai gardé mon âme, en ne faisant don que de mon corps sans âme, mon corps offert comme un outil, un instrument à ta mesure.