Anne, tu n’es pas là, ... j’ai lu attentivement tes lettres, on est mardi aujourd’hui, euh mm bon, euh ben écoute, rappelle-moi, sinon je peux te dire en deux mots euh quels sont quels sont mon désir, en fait, quels sont mes désirs, euh m’enfin peut-être il vaut mieux que je te le dise de vive voix. Bon, en un mot, euh quand tu viens à Paris, donne-moi tes dates, euh c’que j’aimerais c’est que tu viennes un jour sur deux, ouuu tous les jours si c’est possible, euh c’est à dire si je travaille pas avec d’autres personnes. Que tu me soies complètement soumise. Que tu viennes euh m’aider en tout euh pour : les tâches ménagères, pour ranger la bibliothèque, pour écrire des lettres, pour envoyer des fax, pour aller chercher des colis à la poste, pour tout faire. Je vais avoir un boulot de dingue. Que tu hh fasses l’amour aussi, que tuuu subisses tout ce dont j’ai envie, au moment même où j’en ai envie, euh et voilà, euh je teee je te ferai porter certaines choses, euh, et tu partiras au moment où j’en aurai envie, tu reviendras quand j’en aurai envie. Et le soir tu écriras tout ça hh, et tu m’le ramèneras leee ce qu’t’as écrit le matin, ouuu la fois suivante où on s’voit. C’est des conditions très dures hh en même temps, elles me font envie. Je sais pas si ça teee si ça t’intéresse. Je t’embrasse.
   

 

Début d’un étrange apprentissage. Pire. D’une violente métamorphose. D’une douloureuse mue.

Report plusieurs fois du voyage. Par manque évident d’être prête.

Intensification du travail. Parfois jusqu'à l’insoutenable. Une impression de deux bordures. Entre les deux : le vide. L’écartement. Un immense chaînon manquant. Et moi, ne sachant comment faire l’enjambée.

 
  Ce qui m’attire à toi, c’est ce saut dans le vide qu’il me faudra nécessairement accomplir, c’est cette fascination du vide qui m’unit à toi, et me glace par avance, et anticipe aussi sur ma libération.

Vendredi 12 Août 1994 8h57